Sa devise pourrait être « les chiens aboient, la caravane passe ». Car Tawfik Mathlouthi a gagné son pari. Fin 2002, cet homme d’affaires franco-tunisien, directeur de la station FM française Radio Méditerranée, décidait de lancer Mecca Cola, le premier soda « 100 % militant ». Son intuition – les consommateurs d’origine arabe ou musulmane, exaspérés par la partialité de la politique des États-Unis en Palestine et en Irak, ne demandent qu’à boycotter les produits américains, Coca-Cola en tête, à condition qu’on leur propose une alternative – s’est révélée être une vraie bonne idée. Avec une mise de départ ridicule (22 000 euros), et sans dépenser un centime en publicité, cet ancien journaliste a réussi sa percée sur le marché hexagonal.
Entre novembre 2002 et janvier 2004, sa société, basée en Seine-Saint-Denis, a réalisé un chiffre d’affaires de 3 577 713 euros ; 20 millions de litres de Mecca ont été vendus, au détail, dans les épiceries, les boucheries et les supérettes. L’entreprise espère quadrupler son chiffre d’affaires entre 2004 et 2005. Pourtant, la marque n’est toujours pas référencée en grande surface. « Le jour où les gens de la grande distribution comprendront qu’ils se font d’abord du tort à eux-mêmes et qu’ils lèsent leurs consommateurs, ils finiront peut-être par venir à nous, explique Mathlouthi. Mais je n’irai pas les chercher, j’ai d’autres chats à fouetter. »
Son produit a connu un succès foudroyant à l’étranger et est maintenant disponible dans une trentaine de pays : Émirats arabes unis, où s’est installé le siège de la division internationale de Mecca Cola, Bahreïn, Qatar, Koweït, Liban, Yémen, Égypte, Algérie, Sénégal… En Malaisie, Mecca Cola a été retenu comme partenaire officiel du dernier sommet de l’Organisation de la conférence islamique (OCI), à Putrajaya, en octobre dernier.
Au Maroc, en revanche, la marque est en procès avec son partenaire local. Ailleurs, au Kenya et au Pakistan notamment, Mecca Cola a dû affronter l’offensive de la contrefaçon. Un comble pour une société qui a elle-même réussi en détournant un concept ! Mathlouthi se refuse pour l’instant à communiquer ses chiffres à l’international, sa filiale la plus ancienne n’ayant pas plus de sept mois d’existence : « On en reparlera en septembre ou en octobre. » D’ici là, la firme aura occupé les écrans arabes, avec le lancement, dans les prochaines semaines, de spots publicitaires, notamment sur la chaîne qatarie Al-Jazira.
La réussite de Mecca Cola doit beaucoup à son slogan percutant – « Ne buvez plus idiot, buvez engagé ! » – et à une promesse figurant sur l’étiquette du soda – 20 % des bénéfices (après impôt) reversés à des oeuvres caritatives, dont 10 % à l’enfance palestinienne. La société a déjà financé quelques actions humanitaires, comme la prise en charge des frais d’hospitalisation du journaliste palestinien de l’AFP Dahlen Seif Eddine, ou celle, pendant un an, de la scolarité d’une centaine d’étudiantes orphelines yéménites.
Finalement, Mecca Cola France a décidé de reverser beaucoup plus que les 20 % prévus puisqu’elle va affecter en tout 150 000 euros (pour un résultat net de 282 000 euros) à des dons caritatifs en nature, via une fondation : 75 000 euros à un foyer pour femmes abandonnées, qui sera créé en région parisienne, et 75 000 euros aux Palestiniens, sous forme de kits scolaires (20 000) et de jeux publics gonflables destinés aux municipalités de Gaza et de Cisjordanie. «
Nous avons préféré donner en nature, car personne ne pourra nous accuser de sponsoriser le terrorisme, et Israël ne pourra pas bloquer notre argent, précise Mathlouthi. Pour ce qui est du choix des associations à qui nous adresserons les colis, nous pensons demander conseil à… l’ambassade de France. »
Un bon moyen de couper l’herbe sous le pied aux nombreux détracteurs irrités par la percée marketing et médiatique réussie en France par le promoteur du premier soda antisioniste… »